christophe petchanatz
klimperei & around / interviews

about musique

d'abord, l'histoire... — Comment en êtes-vous venus à (faire de) la musique ? Y a-t-il eu un déclic particulier ? Pourquoi la musique plutôt qu'autre chose ?

L'envie, très jeune. Suite à l'écoute d'un groupe de rock, vers 1967 — je devais avoir 8 ans, oui —, live!, au rez-de-chaussée de la maison où on habitait. Le son, le volume, la batterie... Ça m'a... tourneboulé... Puis un gars m'a appris les accords majeurs et mineurs sur le piano pourri qui traînait au même endroit...
Pourquoi la musique ? J'écris aussi, j'ai peint dix ans... mais la musique, c'est le seul truc qui me fait me dandiner avec délectation... le fun...

Quelle est votre formation musicale ?

Un peu de solfège, beaucoup de pratique en autodidacte.

Quelles sont les influences ? les filiations ?

C'est très vaste. Érik Satie, Brian Eno (période "tiger mountain" et "another green world"), beaucoup de progressif, même si je n'en écoute guère aujourd'hui (Gentle Giant, Genesis, Yes, ELP, etc.). Le krautrock (Can, Faust, Amon Düül II...). Et surtout : les bizarres. Etron fou, ZNR, les Residents, Snakefinger, Chrome, Pere Ubu... et les individus : Barrett, Coyne, Daevid Allen, Ayers, Hammill... relire les quelques interviews sur le site, j'en ai parlé abondamment...

Premier souvenirs (écoute) musicaux marquants ?

Facile : chez un cousin plus âgé : Meddle de Pink Floyd. Je n'avais jamais entendu un truc pareil. Ça a bouleversé toute mes représentations concernant la musique...
Puis Bowie et T. Rex à la télé, je devais avoir 13, 14 ans...

Le groupe existe depuis ? Comment tout cela a commencé ?

Klimperei existe depuis 1985. Fondé avec Françoise Lefebvre. Je me cite : "À 18 ans je fonde (tout seul) Los Paranos (Made home music sans le savoir) et compose une affreuse quantité de morceaux basés essentiellement sur le triangle claviers/boite à rythme/guitare électrique mal jouée ; vers 1980 rencontre de Françoise. Los Paranos se termine doucement. Fondation de Klimperei avec F. (on vend tout pour acheter le piano, tout : les instruments, les disques, les livres). Klimperei c’est 4 mains, un piano et quelques jouets prêtés par Laurent Fauconnet (qui participa également à quelques titres de Los Paranos et de Klimperei). "

Les expériences ou les tiraillements groupe / travail en solo, passage de l'un à l'autre...

Je travaille ( ! ) essentiellement seul. Ça va plus vite, c'est plus simple. Quelques expériences (Totentanz, Lapin Gris) et actuellement participation à la batucada Brazucada, et batteur du groupe Dents (free rock improvisé). La batucada est une école de modestie et d'écoute. On n'est qu'un élément d'un groupe important (une trentaine parfois) et il faut savoir écouter les autres, suivre les indications du Mestre, continuer l'air de rien quand il y a eu un plantage... Avec Dents je retrouve le plaisir de la batterie — même si je suis d'un niveau très moyen — avec les influences de la batucada et le plaisir de jouer avec des musiciens inspirés, souvent, très souvent.

Quel est, selon vous, le genre de votre musique, comment la définiriez-vous ? Y a-t-il des écarts votre perception de votre travail et celle du public ?

Klimperei ? J'ai toujours du mal quand on me demande... Je décrits en creux : ce n'est pas ci, ce n'est pas ça... Des petites musiques souvent nostalgiques, enfantines, entre la fanfare et le manège de fête foraine...

Collaborations, rencontres cruciales ?

Françoise, évidemment. Puis Éric Chabert, qui n'est pas pour rien dans le fait que Klimperei ait perduré...

Comment a évolué la musique avec le temps ?

Moins "bricolé", peut-être ? J'ai du mal à répondre. D'autres sauraient mieux dire...

Les mots... Comment a été choisi le nom du groupe (des groupes successifs) ?

Pour Klimperei, nous voulions un nom qui ne soit ni français ni anglais. Klimperei est un mot allemand qui signifie "pianotage" et qui sonne comme la musique. C'est parfait... Deleted : c'était sur un catalogue cassette, certains items étaient notés "deleted"; ça m'a plu... Los Paranos c'est un vieux délire avec mon demi-frère, Michel. Dents, on l'a choisi ensemble, chacun a proposé une liste, on a mis des notes et retenu le mieux noté. Totentanz : danse de mort, là aussi, racines allemandes. 

S'il y a lieu : origine des pseudonymes des musiciens ?

Pas de pseudonymes. Jadis : Joe Parano. Ça coulait de source...

Comment choisissez-vous les titres des morceaux ? Des albums ?

L'ambiance du morceau suggère le titre. Je m'attache également à trouver des titres bizarres, particuliers... Une indication pour les sociétaires de la SACEM : toujours donner à l'album un titres d'un de vos morceaux. Ça évite les déperditions dues aux déclarations incomplètes (les radios n'indiquent parfois que le nom de l'album). Mais ça, c'est de la petite cuisine... Je cherche aussi des titres suffisamment singuliers pour qu'une recherche sur internet soit efficace...

La cuisine... Comment composez-vous (méthodes, contraintes...) ? Matériellement, ça se passe comment (méthodes de travail, manies, rituels) ?

Je joue, de n'importe quoi, et quand "un truc" vient, je le travaille. Rarement d'idée préconçue. Ou alors une ambiance, des sonorités... Il y a eu un morceau de Klimperei composé d'après un rêve : la musique était toute faite. Un tango, je crois...
Les contraintes : j'en ai utilisé pour Alice. Un ami m'avait écrit un programme informatique qui choisissait les instruments et leur affectation (rythmique, harmonie, mélodie) en fonction du titre... On peut le consulter ici ; c'est du basic, ça tourne sous Dos.

Combien de temps pour composer un morceau ?

Peu. Quelques heures.

Combien de temps pour composer un album ?

Je ne raisonne généralement pas en termes d'album. Je ne sais pas...

La notion d'album est-elle (souvent / toujours) présente ? Pense-t-on à faire un album avant de faire les morceaux, on bien une fois qu'on a 50 minute, on en fait un album ?

C'est plutôt (souvent) la seconde posture. Sauf pour Vilain Chien, Alice, Big & Bang, les CDs avec Pierre Bastien et Franck Pahl... là, l'idée d'ensemble était présente a priori.

Le cas échéant, comment s'est posée la question de "second album" (parfois difficile car peut se poser la question de ressemblance (suite) avec le premier album ou au contraire le choix de travailler quelque chose de (très) différent — au risque de déplaire au public) ?

Je crois qu'il y a eu un effet. Blumenfabrik était (le split avec Gandera, chez façade, je le considère plutôt comme une compilation) — me semble-t-il — bien plus sérieux que Tout seul... Je crois qu'on voulait montrer le côté grave de nos compositions...

Comment déterminez-vous le choix des instruments, des sons ? Y a-t-il des liens avec des associations d'idées? Associe-t-on des images, odeurs, souvenirs, textures etc. avec la musique qu'on fait ? Et, au passage, instrument fétiche ?

Le son. Je compose un morceau comme je bricolerais un plat avec des restes : ce qui va (ou irait) bien ensemble... j'essaie, je bricole... je bricole beaucoup. Mon — éternel — problème, c'est juste me méfier de mon penchant pour la surcharge. Dégraisser, dégraisser...
Instrument fétiche : véritablement, la guitare électrique (et tous ses appendices : effets) est pour moi un instrument extraordinaire.

Comment déterminez-vous la durée d'un morceau ? 

C'est toujours trop long. 

Quel matériel d'enregistrement utilisé ? Là aussi, machine fétiche ?

J'utilise actuellement un HD24 Alesis. C'est très bien (simple, presque rustique) Mais la piètre fiabilité des disques durs m'a joué des tours... Un des morceaux du mini-CD à paraître (In the Lily Lawn chez Jardin au Fou) est perdu.

Comment travaillez-vous le mixage ? Quelle utilisation des effets ?

Je mixe en composant. Quand le morceau est terminé, le mixage l'est également. Les effets sont en amont, jamais (presque jamais) après : ils font partie du son de base.

Impact de la technologie sur la musique ?

Je suis comme un gamin : quand j'ai un truc nouveau, j'en use et en abuse. C'est pas forcément technologique, du reste ; ça pourrait être un bout de métal qui a un joli son...

Concerts ? Si oui combien ? Le bon et le mauvais côté de la chose ?

Quelques concerts avec Totentanz, Lapin Gris et un avec Dents, notamment. (De nombreuses prestations publiques avec la batucada). Le concert c'est beaucoup de contingences, je trouve. Trimbaler le matos, négocier avec l'ingé-son, attendre, se planter, et surtout (sauf avec Dents) : rejouer les mêmes trucs... et ça, ça m'ennuie terriblement (outre que j'ai une telle mauvaise mémoire que ça me rend l'exercice quasi-impossible sans support papier)...

Droits, diffusion... Attendez-vous de la musique un retour financier ? Est-ce que la musique est aussi un salaire pour vous ?

Oui, mais ça n'est pas le but. J'attends un retour dans la mesure où des disques sont vendus, la musique diffusée... Ceci étant, je ne touche pas assez pour arrêter de travailler, malheureusement...

Êtes-vous inscrits à la SACEM, à l'ADAMI, autre ? Un commentaire à cet égard ?

Oui. La Sacem est un grosse machine incompréhensible qui marche mal, mais je ne regrette pas. L'Adami marche mieux semble-t-il. Recevoir un chèque sympa de temps en temps n'est pas désagréable. Mais que de paperasses...

Que pensez-vous du Creative Commons, des licences libres, de la diffusion gratuite de la musique ?

Je trouve l'idée sympathique, excellente mais ambiguë (quid de la rétribution, notamment). En revanche, l'on bute actuellement sur une — semble-t-il — impossibilité pour un sociétaire Sacem de diffuser en CC. Statutairement, il n'a pas le droit. Cette imbécillité ne devrait pas tenir trop longtemps, j'espère.

Un avis sur le peer-to-peer ?

Un excellent moyen de découvrir des choses, de (re)trouver des choses improbables et rarissimes... Comme je ne suis pas fétichiste (de l'emballage par exemple), je préfère télécharger un album plutôt qu'acheter un collector à prix d'or sur Ebay.

L'avenir du CD ?

Pas facile. J'ai aimé la réponse de Fenech. J'ai du mal à imaginer la survie du CD hors valeur-ajoutée (qualité de la pochette, etc.). Je suis en contradiction avec la réponse précédente, je sais. 

La musique... Quels sont les travaux en cours?

Rien de précis. Quelques reprises de Syd Barrett. Peut-être un tribute à Amon Düül II... et, si, un projet secret : Galipoche et Chipiron... Plus quelques  collaborations en cours... trop tôt pour en parler.

De quoi êtes-vous, sur le plan musical, le plus fier, content, satisfait? Quelles sont les « réussites » ?

Je ne sais pas. Le premier CD nous a fait sauter en l'air de joie... Je suis très content d'Alice aussi... et des collaborations... Sinon, c'est surtout les travaux en cours ou à venir (tout proche) qui m'excitent...

Inversement, quelles sont ou furent les « grosses déceptions », les échecs?

Les projets sans suite ou qui capotent (parfois par ma faute) : Harpy, Pancakes... et certains labels un peu... opaques, disons, dans leur gestion...

Avec-vous déjà réalisé un clip ? Pourquoi ? Comment ça s'est passé ?
Pensez-vous le faire ? Pourquoi ?

Non, mais Miss Ming a réalisé une très belle animation sur un titre de Klimperei. Il faudrait diffuser ça...

Quels sont les projets ?

Galipoche et Chipiron. Et (quand même) un ensemble de tributes...

5 disques à emporter sur une île déserte ?

Robert Wyatt : Rock Bottom
Les suites pour violoncelle seul de Bach
Les quatuors de Bartók
Les nocturnes de Chopin
Last piano sonatas de Haydn par Gould
Pas très rock'n'roll tout ça...

Le plus beau concert vu ?

Je crois que c'était Bowie dans les années 80 (Heroes, Low)...

Pour finir... Quelles autres questions auriez-vous aimé que l'on vous pose ? Quelles auraient été vos réponses ?

Bah, c'est moi qui ai rédigé les questions... Si : me manque l'extraordinaire effervescence de l'époque du réseau cassettes...
                         
17.08.06, copyright Klimperei