christophe petchanatz
klimperei & around / interviews
by A découvrir absolument, 2014


Peux-tu présenter le projet « Klimperei » en quelques mots ?

Il ne s’agit pas d’un « projet », il s’agit de l’étiquette, du nom qu’un jour nous avons décidé d’apposer à la musique que nous jouions. Je dis « nous » car à l’époque (80’s) Klimperei c’était Françoise Lefebvre et moi-même. Klimperei s’est dégagé en tant qu’entité distincte par rapport à ma « production » musicale antérieure (ou parallèle) de par son orientation néo-classique (pour aller vite) et, très vite, « toy ».


Tu utilises beaucoup d'instruments-jouets. Comment est venue cette idée ?

Je (me) cite : « C’est quand un ami — et voisin —, le fameux Laurent Fauconnet (qui participa également à quelques titres de Los Paranos et de Klimperei), me prête des appeaux et des petits jouets musicaux que l’on utilise allègrement, que l’on sent que quelque chose a pris. Un son. »


Tu te considères comme un précurseur, un novateur ?

Absolument pas. Juste le sentiment d’avoir, à un moment donné, trouvé un équilibre, quelque chose de réellement personnel. J’ajoute et j’insiste : Klimperei ne se résume pas à de la toy-music.


Quand on parle de musique avec des instruments-jouets, on peut imaginer que celle-ci est destinée à des enfants. Est-ce le cas ?

Non. Il y a eu des projets spécifiquement orientés « enfants », dont Copains comme cochons, chez Milan ; pour le reste, c’est simplement de la musique (que des enfants peuvent écouter aussi, bien sûr). On va dire qu’il y a plusieurs niveaux de lecture.


Ce clin d’œil à l’enfance dans ta musique, traduit-il un côté mélancolique, nostalgique, de la personnalité du musicien que tu es  ?

Ce n’est pas « un clin d’œil », c’est une composante, au même titre de beaucoup d’autres choses. La question est du reste un peu confuse et orientée. Le lien entre enfance, mélancolie et musique est un artefact. Notamment, « enfance » n’implique pas nécessairement « mélancolie, nostalgie ». D’autre part, il me semble que la musique de Klimperei n’est pas que mélancolique. Elle est également joyeuse, sérieuse, sotte, cérébrale, etc. Pour mémoire, et ce n’était pas par hasard, la trilogie parue au Japon en 2002, trois albums publiés simultanément : Pimpant, Triste, Sérieux.
Ceci dit, il me semble que l’artiste, non : tout individu — se doit (mais cela ne se décrète pas) de laisser s’exprimer la part enfant de sa personnalité. Après tout, dans jouer de la musique, il y a jouer. Et puis, oui, pour moi l’enfance est un terreau d’une richesse immense. C’est un peu comme si tout était dit, pensé, envisagé avant 10, 12 ans. Le reste, ensuite, c’est juste de la mise en forme, de la rumination, que la maturité, sans doute, permet…


Quel enfant étais-tu ?
J’étais fils unique, facilement sociable, ce me semble, mais aussi appréciant la solitude. Premier de la classe ou quasi tout le primaire (après ça se gâte).


Quel est ton premier souvenir musical ?

J’ai grandi dans un milieu musicalement inculte (ce n’est pas une récrimination, c’est factuel). Je crois avoir entendu, enfant, la flûte des Andes (el condor passa), le Boléro de Ravel, Cavalerie légère (Franz Von Suppe) et autres morceaux « pittoresques » (le vol du bourdon, une nuit sur le mont chauve, etc.)… Difficile de dire quel fut le premier mais c’est ce jus-là. J’ajoute, parce que la chronologie est confuse, que mes parents tenaient un bar sans alcool (si si) à Nancy, j’allais à la maternelle, donc 1964 environ, et nous avions un juke-box.
Ceci étant, le premier bouleversement musical : l’écoute de Meddle (Pink Floyd), j’ai 12, 13 ans, sans aucune préparation, oserais-je dire. Je parle de la face Echoes. Je n’ai rien compris à ce que j’entendais, j’étais profondément désorienté et en même temps la certitude, l’intuition qu’il y avait là quelque chose d’important (pour moi tout au moins).


Quand et comment en es-tu venu à faire de la musique ?

Tu veux dire « en vrai » ? Le moment pour moi est précis : le jour un quelqu'un, qui passait par là, me montre comment construire tous les accords mineurs et majeurs sur le vieux piano désaccordé qui trône inutilement dans la grande salle du bas (nous habitons une sorte de maison associative, le rez-de-chaussée est une immense salle avec estrade, et piano).


Quel est le genre de ta musique, comment la définis-tu ?

Question difficile (puisqu’elle aborde la notion de « genre ») ! Citons Wikipédia : « D'après l'encyclopédie Larousse, le genre musical est un « ensemble de formes de même caractère, réunies par leur destination (par exemple la musique de chambre) ou par leur fonction (par exemple la musique sacrée) ». Le genre musical est un concept sans limites précises, il est impossible de faire une liste complète des genres ou styles. La dénomination d’un genre peut venir d’une expression qui a marqué une scène musicale (Krautrock), de techniques ou sources sonores utilisées par le genre musical (techno, synthpop), de son origine géographique (miami bass, UK garage), ou de l’intention que porte le style (rock psychédélique). »
Source sonore : principalement instrumentale. La proportion d’instruments acoustiques et d’objets sonores, jouets, morceaux de bois, élastiques… est importante. La part du chant est marginale.
Lieu de destination : c’est une musique de studio (et plus précisément enregistrée à la maison, en « home-studio ») destinée à une écoute attentive. Très très peu de prestations « live ».
Les morceaux sont généralement courts. Voire très courts. A noter qu’avec les temps, le format s’allonge, si j’ose dire, et certains des derniers albums (iwm-5 notamment) voient la tendance s’inverser…
Rôle social : c’est une musique d’écoute. Je le souhaite.


Y a-t-il des écarts entre la perception de ton travail et celle du public ?

Sans doute, mais je n’en sais rien et cela n’a pas d’importance. J’ai toujours cru à la polysémie comme signe de bonne santé pour la création en général : l’œuvre s’en va vivre sa vie autonome, est perçue « comme ci » ou « comme ça » et surtout ne supporte pas d’explication. A mon sens si l’on doit expliciter son travail artistique, c’est que c’est raté. D’autant que, de mon point de vue, la dimension émotionnelle prime largement sur un aspect « intellectuel », disons.


Tu habites Lyon (quartier la Croix-Rousse). Es-tu attaché à cette ville ? A-t-elle une influence sur ta musique ?

Oui attaché comme un qui vit là depuis longtemps, qui a ses habitudes, etc. Je trouve Lyon bien dimensionnée, ni trop grande ni trop petite, et bien placée sur la carte de France. La Croix-Rousse est mon quartier depuis une dizaine d’années ; j’y vis et travaille, je m’y sens bien. Les influences, en aucun cas, mais des clins d’œil parfois dans le choix des titres (passage de la gloriette, qui a volé le gros caillou ?...).


Qu’est-ce qui t’as guidé / te guide dans ta vie de musicien ?

L’entêtement et le hasard.


Quand, comment et où composes-tu ? (exemple d’une journée de travail)

Ces dernières années : l’après-midi. Je ne travaille pas l’après-midi et je suis seuls à la maison.


Comment détermines-tu le choix des instruments, des sons ? Y a-t-il des liens avec des images, des associations d'idées ?

C’est le contraire : les instruments, les sons déterminent la mélodie, l’ambiance, le style du morceau. Deux cas de figure : j’ai une idée près précise de ce que je veux ou de ce qu’il faut faire (genre cahier des charges ; ça arrive et j’aime bien) ; la plupart du temps, cependant, ça ne marche pas ; je veux dire : j’aboutit ailleurs. Cas le plus fréquent : je prends un truc, je tapote, je gratouille, et puis ça vient.


Combien de temps te faut-il pour composer un morceau ? un album ?

Très variable mais globalement ça va vite. Il faut que ça aille vite. Sinon je perds la cohérence.


Comment détermines-tu la durée d'un morceau ? le nombre de chansons sur un album ?

Rien de précis à dire là-dessus. J’essaie d’éviter l’ennui, la répétition inutile. Mais on peut être ennuyeux sur 40 secondes et passionnant sur 15 minutes… Pour la durée d’un morceau, par de règle, mais au feeling. Pour la composition d’un album... c’est un labeur que je déteste. C’est pourquoi la plupart du temps je le confie au label qui a accepté ou suscité le projet.


Comment choisis-tu les titres des morceaux ? des albums ?

Pareil, pas de rège. Ça fait souvent référence à des petites choses du moment, du quotidien. Pour réfléchir mieux, je vais prendre les derniers :

My life is an animated gif – référence au gif animé donc, genre kitsch, désuet et qui m’amuse, j’avais envie de le marquer, de le tracer dans ma discographie en tant qu’objet culturel si j’ose dire, d’un moment. Par ailleurs c’est une désespérance : le gif animé la plupart du temps tourne en boucle sur une séquence brève… imaginer sa vie comme ça, c’est terrible. Ce n’est d’ailleurs pas mon cas, c’est simplement un scénario.

Les titres :    
Klimpomatic – référence à un instrument jouet acquis il y a quelques temps, un xylomatic. Acidtoyz – dédicace : ce disque était au départ une commande d’acidsoxx (label US) pour un coffret de 5 ou 6 mini-CDs. Mais le projet n’aboutit pas. Prune et Hippolyte – autre dédicace, aux cousins de Lola, ma fille. The Desirents – dédicace à peine masquée au Residents. Les Villageois – quelques mots de l’improvisation vocale de Lola intégrée au morceau. Valse épineuse – titre satien, évidemment. Des brocolis – légume jadis vénéra par Lola. Pas trop y penser – je ne sais plus mais assez proche dans l’esprit des titres que Françoise donnait aux morceaux. Kitchen rhythms – presque banalité. But not so far away – je ne sais plus.  Pots pourris – amusant, non ? comme le pluriel change tout…    My life is an animated gif – pour des raisons sacemiques j’ai pris l’habitude de donner le titre de l’album à un morceau (ou le contraire). Bien débrouillards – je ne sais plus non plus.
Pour l’album précédent, petites pièces indélicates, le titre de l’album est également, à mon sens, satien ; les morceaux ont été titrés à partir de listes trouvées sur internet (genre 20 reasons to hate the airlines). Noui est un néologisme Lolatesque (signifiant à la fois oui et non, comme il se doit).


Comment se déroule l’enregistrement des tes morceaux ? avec quel matériel ?

Il n’y a pas de déroulement type. Je monte (c’est en mezzanine), j’allume l’interrupteur général, je prends un truc, je gratte, je tapote… je pianote. J’enregistre, j’efface, j’ajoute quelque chose. Je vais faire autre chose, je reviens, j’écoute, je mixe au fur et à mesure… J’ajoute, je retranche… j’essaie…
Le matériel d’enregistrement est assez rustique : HD24 Alesis, table de mixage analogique McKie (excellente), bons micros… (Seinnheiser, AKG). Pas d’informatique.


Comment se passe le choix du label pour la sortie du disque ? Fonctionnes-tu en réseau / copinage ?

Moi je ne choisis pas grand-chose. Je propose, parfois ça le fait, le plus souvent on me propose et le plus souvent j’accepte, car aussi j’aime les contraintes… Réseau certainement, il suffit de voir la liste restreinte des labels avec lesquels je travaille régulièrement, avec au premier chef In-Poly-Sons. Réseau de musiciens amis aussi. Copinage, je ne sais pas ce que c’est ; je ne pense pas qu’un label, quelle que soit sa taille, s’amuserait à dépenser de l’argent dans la production d’un disque juste pour faire plaisir à un copain. Je n’ai jamais investi un sou dans la production des disques, non par avarice ! mais parce que j’estime précisément que c’est un tiers qui doit, qui peut décider si une œuvre est, ou n’est pas suffisamment intéressante pour qu’on y consacre temps, argent, énergie…


Quels étaient les supports et les moyens utilisés  au début, pour la diffusion de ta musique ?
Cassettes sur petits labels.


Avec l’arrivée de l’ordinateur, du disque, puis un peu plus tard d’Internet, on à l’impression que tout est arrivé très vite. Quel regard portes-tu sur ces changements ?

Je déplore la dématérialisation. Je regrette les vinyls et leurs belles pochettes. Je n’aime pas que les albums passent au shuffle, soient dépiautés, vendus par bouts, à l’unité, au mp3, etc. Pour moi ç’a toujours été une unité, pensée, la pochette, l’ordre des morceaux…


Sur le plan musical, de quoi es-tu le plus fier ? Quelles sont les « réussites » ?

Je suis fier de tout (ah ah ah). Sans rire : c’es l’ensemble qui a du sens. Pour chaque disque (car je raisonne selon cette unité) je peux trouver des faiblesses, et des choses — pour moi tout au moins — importantes… Mais… Pour être plus anecdotique (quoique) : le premier album (Tout seul…), sur un label prestigieux (AYAA), ce fut un long moment de joie, bonheur, plaisir, fierté… Ensuite, et bien que l’histoire continue, que ce ne soit pas un « one shot » mais au contraire une succession, permettant une évolution (j’y tiens). Des petites (?) choses précises : la pochette d’Alice réalisée par Mme Wyatt herself (Alfreda Benge), toutes les collaborations, Pierre Bastien, Frank Pahl, Dominique Grimaud, David Fenech, Palo Alto, Voxfazer, Don Simon, et récemment rien moins que l’immense Daevid Allen (Soft Machine, Gong…) pour un morceau commun sur la compilation Veterans of the french underground meet la jeune-garde, Musea…

Et puis certains challenges personnels, se coltiner avec certaines difficultés, certains styles… même si après-coup cela ne se perçoit pas…


Inversement, quelles sont ou furent les « déceptions », les échecs?

Je n’aime pas les projets inaboutis (quelle qu’en soit la cause), je traîne ça comme des boulets. Je n’aime pas les promesses non tenues (et cela m’arrive aussi). Je n’aime pas les projets qui traînent ou avancent trop lentement. Pas d’échecs à proprement parler. Peut-être un solo de piano trop médiocre à Bruxelles, un jour…


Tes disques Sérieux, Triste et Pimpant ont été publiés au Japon chez Novel Cell Poem en 2002 comme Petites pièces indélicates l’année dernière (2012). Comment les nippons ressentent-ils ta musique ?

Si je savais !!! Quelques notes à ce sujet pourtant : « French toy-pop » aurait été forgé, par des japonais, pour Klimperei. Ils y associent « akogare », en précisant le sens : « the whole feeling is that : not exactly depressed but the feeling of something lost : lost childhood, lost loves, the passage of time, the Autumn, the fall of leaves, the almost forgotten tastes or flavors… erased dreams… ». Pas si loin de saudade, finalement.


Ta fille Lola grandit. En 2007, le disque Galipoche et Chipiron lui était dédié. Comment a évolue ta musique depuis ?

Très bonne question, merci.
Je reprends la chronologie (des parutions). Galipoche et Chipiron, pour Lola, oui (voir les titres), très acoustique, assez épuré, et revisitant quelques genres (blues, rock notamment). Dans le même temps Love You, compilation, par Sébastien Morlighem, de titres assez anciens publiés uniquement sur cassettes. Mondocane, avec Palo Alto paraît la même année mais le projet est en réalité plus ancien, bouclé en 2005 je pense… Copains comme cochons, commande des édition Milan d’un livre disque pour les 3/6 ans je crois, sur le thème des copains. Un des premiers travaux correctement rémunérés, un cahier des charges exigeant, la musique comme réel travail… expérience intéressante et formatrice.  Pas mon préféré musicalement (beaucoup de contraintes).  Mais un environnement professionnel appréciable (cf. le concert de lancement, accompagné de Mme Patate, Denis Frajerman, Philippe Perreaudin, Pascal Ayerbe et David Fenech, pas moins, et devant des tas d’enfants, au Réservoir à Paris : magique !). IWM(1) : improvisation with myself, album de rupture. Rupture d’avec le format de l’album pour enfants (ce n’est pas péjoratif) et d’avec le Klimperei canonique qui parfois me donne l’impression, lorsque je ne fais pas attention, de donner dans l’auto-plagiat. Cet album a reçu des critiques plus qu’élogieuses et de surcroît intelligentes puisque justement la dimension rupture a fort bien été perçue, et comprise. Pour ne citer que néosphère « Ses 40 miniatures sonores font penser à la magie des films d'animations créés patiemment, image par image, l'étonnante diversité des instruments, et leur nombre, mettant en place de petits orchestres qui se meuvent avec célérité. Leurs airs farceurs et leur apparente désinvolture détournent l'attention d'un point pourtant sidérant : il y a là tant d'idées musicales qu'avec elles un Manu Chao tiendrait un bon quart de siècle ! ». Évidemment, je bois du petit lait. 25 songs, avec Don Simon y Telefunken, allumés catalans rencontrés sur Soulseek et musiciens occasionnels (si j’ai bien compris) de Pascal Comelade. Ils ont « habillé » des squelettes, des trames de morceaux que je leur avais envoyés. Projet assez réussi à mon sens, mais très laborieux.  Suivent IWM(2) sur le thème de la littérature, hommages à des auteurs qui me sont chers. Le format est plus classique (aussi pour des raisons bêtement économiques : le premier, au vu du nombre de morceaux, couta curieusement cher en termes de dépôt SDRM… Nous (Denis Tagu & moi) avons donc décidé que les suivant seraient, arbitrairement, composés de moins nombreux morceaux… car une des dimensions de la série de IWM était aussi son faible prix.  Le suivant (IWM3) s’intitule recyclages. Plus proche du 1 mais selon un système différent : les improvisations s’effectuent sur des bases anciennes (une boucle rythmique retrouvée dans un coin du disque dur… une bande-son enregistrée en 2007 pour une lecture de Les Alfreds, les pleurs de Lola petite, une phrase extraite d’un morceau de Al & Del, un titre non retenu pour une compilation, un morceau de Klimperei (enregistré avec Françoise Lefebvre) resté en friche… un inédit de Al & Del sans les parties de voix, variante sur une base utilisée par Don Simon y Telefunken in 25 songs looking for ears. Et des problèmes techniques idiots, fertiles). Certains morceaux sont — pour du Klimperei — très longs.  Quai des hannetons, selon moi un très bel album, très homogène, renoue avec un format plus standard (morceaux courts) mais résolument et uniquement acoustique ; beaucoup de cordes (guitares, banjo,  ukulélé, charango)… Octogonale impérative, 2010 — à la demande générale et à l’initiative de Dominique Grimaud propose des inédits des sessions Pierre Bastion – Klimperei. Inédits n’est pas fond de tiroir, ce disque est au moins aussi bon que le premier. Il ne s’agit en revanche pas d’une étape en termes d’évolution puisque les morceaux ont été enregistrés en 96/97 environ.  Musique for bath — seconde collaboration avec Frank Pahl, je suis absolument ravi et fier de collaborer avec ce mélodiste merveilleux. Ce disque renoue avec une sorte de tradition klimperesque, rien de révolutionnaire ici, dirais-je, mais un ravissement presque kitsch et très touchant. IWM4 — de fait, reprises plus ou moins fidèles de morceaux de Los Paranos (un de mes premiers « groupes »). Une digression. IWM5 — un de mes préférés de la série (avec 1 et 3). Des titres longs, parfois 15 minutes, presque « progs », mais à la sauce Klimperei. Beaucoup de travail, très technique, et très réussi à mon sens. 2011 : Radiolaires, avec Dominique Grimaud. Sans doute la digression la plus extrême : collaboration avec ce musicien admirable, pape et mémoire de l’underground musical français, selon une contrainte anti-klimperesque : utilisation de guitares électrique (+ effets) exclusivement. Sans soute un des albums les plus vivifiants pour moi. Pas toujours bien accueilli ou bien compris, mais très important pour moi. 2012 : the IWMbox rassemble les 5 IWM. Strange meeting III en collaboration avec Voxfazer m’entraîne dans des univers ambiants, pop, rock, inhabituels. Petites pièces indélicates, publié au Japon, renoue — et j’en avais besoin — avec le Klimperei canonique MAIS avec deux contraintes (choisies) : utilisation d’un instrumentarium très classique (au sens « musique classique »), les morceaux seraient aisément jouables par orchestre classique (sextuor ou octuor), et absence totale de « glinglins » et autres jouets. Les morceaux sont assez courts, très composés. My life is an animated gif dont j’ai déjà parlé, était un projet « toy » dont j’ai respecté l’esprit. Ici : 13 morceaux courts, toy et minimaux.
En résumé, mon ambition est d’élargir considérablement les styles d’écriture et les intrumentariums proposés sous l’étiquette « Klimperei », je pense y être un peu parvenu, non sans mal (car l’amateur de Klimperei veut du Klimperei).


En 2007, tu as eu l’initiative de rassembler des amis musiciens et d’improviser à la librairie-galerie en Marge à Paris (dans le XIème arrondissement). Tu as eu l’opportunité de jouer au Festival Music For Toys en 2009. Voir Klimperei en concert est rare.  Quels rapports as-tu avec le live ? Penses-tu que ta musique s’y apprête ?

L’initiative (insistante) venait de Sébastien Morlighem.
Je n’aime pas le live — mais cela ne m’impressionne pas. Je suis incapable de me souvenir d’un morceau. D’où des concerts très improvisés la plupart du temps, avec les risques du genre. Il y eut des moments de bonheur je crois. Mais surtout la chance de rencontrer en chair et en os des artistes admirables.  Ce qui souvent se traduit par la suite en collaborations plus posées, c'est-à-dire projets travaillés en studio.


Tu es proche du milieu dit « underground ». Tu as toujours été à contre-courant, dans la marge des tendances dominantes, des phénomènes de mode - qu'en penses-tu ?

Je ne sais pas si je suis proche du milieu underground, et je ne sais pas ce que cela désigne exactement. Je déteste la culture de masse. Je déteste que tout le monde aime la même chose au même moment. Je déteste que 5% des « artistes » monopolisent 95% des ressources (financières, médiatiques, mentales). Et j’ai une énorme ambition : que mon travail résiste au temps, soit intemporel. Je pense ici autant à mon travail musical qu’à mon travail d’écriture. C’est ringard, prétentieux. J’assume.


Tu as souvent été amené à collaborer avec des artistes. Comment t’y prends-tu ? Est-ce que c’est toi qui les sollicites ou l’inverse ?

Un peu tout. Ça se fait naturellement, le hasard, les rencontres. Pierre Bastien était notre voisin à l’époque et l’idée d’un travail commun émanait du label Prikosnovénie, Palo Alto m’a sollicité je crois, Voxfazer, c’est une rencontre sur le forum Overblog, Dominique Grimaud c’est moi qui ait proposé, insisté ! Frank Pahl je ne sais plus, une idée de Denis Tagu (IPS) je pense.


Tu as publié avec l’américain Frank Pahl Music for desserts (2001, in-poly-sons) et Musique for bath (muséa, 2010). Vous avec travaillé à distance, comme il t’es arrivé de le faire avec d’autres artistes. Ces collaborations ne manquent t-elles pas d’authenticité ?

Définissez « authenticité », pour paraphraser je ne sais plus quel film de science-fiction. Je ne vois pas (du tout) en quoi le fait de travailler à distance pourrait influer sur — quoi d’ailleurs ? Pour un travail commun avec David Fenech, qui n’est pas tout à fait abouti, nous n’avons enregistré qu’un seul morceau ensemble physiquement, chez lui… ce n’est pas notre préféré au final, même si nous y sommes attachés, pour des raisons disons sentimentales…


Comment articules-tu tes autres travaux (musiques de documentaires / publicités, écritures, photographies) ? Est-ce qu’il s’agit d’un projet global avec une cohérence d’ensemble ?

Non, je ne suis pas cohérent. C’est fractal. La photo pour moi c’est anecdotique. J’ai peut-être un œil, mais pas de technique et peu de réflexion sur la pratique. La grande nuance musique / écriture c’est la langue… la musique va partout. Le texte en français… vers les francophones uniquement ! Ensuite, au sein même du travail musical, je ne fais guère de différences entre les travaux qu’on pourrait dire «alimentaires» et le travail de fond, personnel, pour la raison simple que lorsque je suis sollicité pour un projet de type commercial, c’est précisément un son, un style particulier qui est attendu… je n’ai donc pas le sentiment de me trahir !


Pour terminer, quels sont tes projets pour cette année et ceux à venir ?

Les projets sont nombreux, certains presque aboutis, d’autres juste à l’état d’idée…
À paraître sous peu : Les tableaux d’un exposition, Moussorgski by Klimperei, vinyl, IPS ; un vinyl (de Los Paranos) chez Vinyl On Demand ; un disque avec David Fenech, un autre avec Bodycocktail (Zan Hoffman) ; un troisième opus avec Frank Pahl cherche un label… un CD avec GNG quasi-fini, un autre avec Tagubu également ; travail en cours qui traîne avec Jef Benech ; un Fakraut project, un peu raté, mais bientôt fini ; un replay de Tarkus (Emerson, Lake & Palmer) à la mode Portsmouth Sinfonia ; un disque pour enfants ( ? ) triste, sombre et lofi.